Septième prime :élimination d'Eva
La semaine dernière, pour la première fois de la saison, Star Academy a été devancée en audience en début de soirée par "NCIS : Enquêtes spéciales", la série militaro-policière de M6. Les deux premiers épisodes ont rassemblé 6,3 millions de téléspectateurs, soit 25 % de parts de marché sur l'ensemble du public et près de 44 % des jeunes de 15 à 24 ans. TF1 a toutefois sauvé l'honneur sur la durée, grâce à la longueur du prime, réunissant 6 millions de téléspectateurs sur l'ensemble de la soirée, soit une part d'audience moyenne de 27 %.
Ce genre d'incident arrive presque chaque année et il serait donc excessif d'y voir déjà un signe de désaffection. Cependant, TF1 ne saurait tolérer qu'un tel affront se reproduise, surtout face à "NCIS", honnête série policière mais qui n'est quand même pas "Prison Break". La solution est vite trouvée : pour l'emporter, il suffit de faire plus long. D'où, ce soir, un marathon de 2h40.
Et ce marathon musical ressemble vite à un tunnel dont on ne voit plus le bout.
Comme le dit Nikos en préambule, "il y a de tout ce soir pour le spectacle" : le crooner canadien Michael Bublé, le toujours fringuant Marc Lavoine, le DJ businessman David Guetta (et Madame), la nymphette Alizée et la petite princesse du R&B à la française Shy'm. Il y aussi un habitué des lieux : Florent Pagny, "celui que les Français aiment parce qu'il parle vrai". Mais l'événement de la soirée, c'est bien sûr la venue d'Alicia Keys, la nouvelle diva de la soul. Elle ne fera son apparition que tardivement, justement quand s'achève le deuxième épisode de "NCIS". Comme c'est bizarre.
Le spectacle commence avec une interprétation collégiale de "Mourir sur scène", l'hymne tragique de Dalida. C'est là qu'on s'aperçoit que les leçons du professeur d'expression scénique, Raphaëlle Ricci, ont vraiment porté. Les élèves débarquent l'un après l'autre sur scène en affichant un large sourire. Une fois au complet, ils se dandinent ensemble dans un ballet pataud qui rappelle vaguement les pas de danse des Claudettes. Chanter Dalida en dansant comme Claude François, il fallait le faire. Je dois dire que la profondeur de leur interprétation m'a touché.
Pour une fois, le plateau du prime n'est pas encombré d'artistes et on se dit qu'on va pouvoir les apprécier à leur juste valeur, surtout qu'en 2h40, on a largement le temps de savourer. Le problème, c'est qu'on va avoir droit à pas moins de SEPT chansons de Florent Pagny, dont trois interprétées par les nominés. Une chanson pour Joss Stone, une chanson pour Hard Fi, des medleys pour Boyz 2 Men ou Juanes, et sept titres pour Florent Pagny. Cherchez l'erreur.
Lors de ses précédentes apparitions à la Starac, Florent Pagny avait été parfois bougon, voire franchement désagréable avec ses partenaires. Ce soir, il a l'air ravi d'être là, mais quand même pas autant que Pascal Obispo la semaine dernière ou que David Guetta, venu avec des amis rencontrés à Amsterdam. Florent a abandonné la panoplie de gaucho argentin qu'il arborait à une époque pour une tenue plus sobre de moine Shaolin, agrémentée d'un longue barbichette. La fastidieuse revue de son répertoire commence avec Alexia pour un duo mollasson sur "Là où je t'emmènerai", continue avec Pierre pour une version rock de "Mathilde" de Jacques Brel, se prolonge avec Marc Lavoine pour "Un ami", une ritournelle crispante rythmée par des synthétiseurs façon Bontempi, et s'achève avec une dernière reprise inutile de Brel. Ça fait du bien quand ça s'arrête.
On poursuit dans la variété avec Alizée, qui vient rappeler au monde que c'est elle qui a créé "Moi... Lolita" et pas Julien Doré. La chanson est clairement à la première personne et ne se prête donc guère à un duo. Pas grave : on en fait donc un trio, avec deux garçons de surcroît,
Pierre et
Bertrand. Le texte n'ayant pas été adapté en conséquence, il n'a naturellement plus aucun sens. Alizée assure sa partie avec aisance (et sans playback) excepté quand, pour des raisons inconnues, elle insère quelques vers de "Music" de Madonna. Son anglais approximatif la trahit. Le reste est un festival de fausses notes et de mimiques clownesques.
Un mot en passant sur
Bertrand, qui reprend la tête du classement des élèves et est très content d'être là. Comme toujours. Il embrasse Florent Pagny, il embrasse Alizée. Il embrasse tout le monde, il aime tout le monde. Et il commence à devenir sérieusement gonflant. Son personnage excentrique de James Brown déjanté, échappé des années 70, était sympathique au début. Sa bonne humeur et son enthousiasme étaient communicatifs. Son humilité et sa soif d'apprendre contrastaient avec le laisser-aller et l'arrogance d'une partie des élèves. Mais Bertrand est maintenant tombé dans une insupportable caricature de lui-même. Son euphorie permanente, son sourire vissé sur le visage, ses grimaces outrancières, ses embrassades et ses "Je vous aime" à répétition sont devenus horripilants. À certains moments, et notamment ce soir, on pouvait sérieusement se demander s'il était drogué ou débile ou les deux à la fois.
Revenons au spectacle. C'est au tour de
Quentin de faire ses preuves. L'un des psychodrames de la semaine était en effet "La chute et la renaissance de Quentin". Le jury commence le scénario par une note moyenne au dernier prime. Raphaëlle Ricci confirme le déclin par un jugement lapidaire lors du debriefing : "Tu stagnes". Et le malheureux Quentin, rongé par le trac, échoue lamentablement aux évaluations avec une interprétation ridiculement emphatique d'"Angels" de Robbie Williams. Selon les professeurs unanimes, sa prestation met en évidence ses limites et "son manque de simplicité". Évidemment, l'histoire se termine bien. Avec l'aide d'Antoine, son meilleur ami au château, Quentin réussit brillamment lors du rattrapage. Les professeurs, à nouveaux unanimes, le plébiscitent. Il les a impressionnés par sa précision et sa finesse. Il a été majestueux. Il a pris le pouvoir. Tout est bien qui finit bien. Sauf que Quentin, trahi par sa mémoire et son anglais, n'a pas du tout réussi son rattrapage. Heureusement, grâce à un montage astucieux, il est facile d'en donner l'illusion. On sélectionne juste la partie de la chanson qu'il a réussie et on ajoute quelques commentaires dithyrambiques des professeurs. Et hop, la belle histoire est dans la boîte.
Pour tester cette simplicité qui lui fait défaut, Quentin doit chanter aujourd'hui "Dreams are my reality", le thème immortel de "La Boum" qui a été la bande sonore de millions de slows adolescents dans les années 80. Sauf qu'il doit chanter juché au centre d'un tourniquet géant sur lequels sont assis des danseurs. Ceux-ci cessent parfois de faire tourner l'engin infernal pour se livrer à des pantomimes bizarroïdes. Il y a aussi un ensemble de violons et une chute de neige. Bref, on fait vraiment dans la simplicité. Même si Quentin se débrouille du mieux qu'il peut, l'exercice tient plus de la berceuse que de la chanson romantique. Le jury apprécie néanmoins la performance (14,4) : il faut bien terminer la belle histoire dans la joie.
Suit une succession de prestations peu mémorables.
Claire-Marie fait son premier duo avec un artiste : son idole, Marc Lavoine. Pour l'occasion, on l'a relookée. Elle arrive déguisée en vamp, vêtue d'une robe moulante, privée de ses lunettes et montée sur des escarpins à talon aiguille. On se croirait dans un épisode du "Destin de Lisa". Lorsqu'elle descend le grand escalier d'un pas emprunté, avec les talons et sans les lunettes, on a très peur. Va-t-elle trébucher ? Va-t-elle se faire écraser par la plate-forme qui transporte Marc Lavoine ? Non, elle arrive saine et sauve sur la scène ; elle perd juste une des bretelles de sa robe dans le périple. Le duo lui même est plutôt soporifique et Claire-Marie a un peu l'air de chanter avec son papa.
De son côté,
Lucie essaie vainement d'être sexy aux côtés de Shy'm et récolte au passage la note la plus faible de la soirée (11,3).
A
lexia et Bertrand font un duo assez insignifiant sur "Pour le plaisir" d'Herbert Léonard ; pour des raisons obscures, le jury choisit d'ignorer leurs fausses notes.
Enfin,
Antoine et Jérémy jouent les graines de stars sur "Celui qui chante" de Michel Berger. Le jury apprécie ce duo Bisounours et souligne à juste titre les progrès de Jérémy. Cependant, lorsque celui-ci se met à exiger un "magnifique tableau" pour la semaine prochaine comme un gamin mal élevé, on se rappelle immédiatement pourquoi on ne l'aime pas.
Quand le deuxième épisode de "NCIS "s'achève vers 22h20, on peut enfin passer au morceau de résistance : le duo tant attendu de
Maureen avec Alicia Keys. Il est précédé d'un long reportage à sa gloire, dès fois que le public de TF1 ne sache pas très bien qui elle est. Maureen, elle, sait très bien qui est Alicia Keys et est visiblement impressionnée. C'est peut-être pour ça qu'elle s'emmêle un peu dans les paroles. Son regard s'accroche vite au prompteur et on sent son malaise malgré les encouragements souriants d'Alicia, assise au piano. L'ensemble reste agréable, surtout quand Maureen abandonne sa voix jazz pour un timbre plus naturel, mais ce n'est pas ça qui va nous arracher à la léthargie qui nous guette. Le jury est enthousiaste et gratifie la performance d'un 18,3, avec un 20 de Pascal Nègre, qui a trouvé ça très "pro". Mais, bon, l'avis de Pascal Nègre...
Maureen revient plus tard pour un duo avec Alizée sur "Mademoiselle Juliette", son nouveau single. Kamel Ouali, le plus grand chorégraphe de France, lui a préparé un tableau censé être inspiré par le réalisateur Tim Burton mais donc le décor rappelle plutôt le village des schtroumpfs. La danse est un ballet assez banal, dont le seul moment un peu spectaculaire est celui où Maureen escalade un des danseurs en courant (il faut le voir pour comprendre). L'acrobatie survient de façon assez artificielle dans la chorégraphie, comme une figure imposée, et est précédée d'un long élan qui évoque davantage une gymnaste se préparant au saut de cheval qu'une gracieuse danseuse. Kamel applaudit néanmoins la performance de Maureen (ou, plus vraisemblablement, il s'applaudit lui-même à travers elle).
Il est plus de 23 heures. Le prime touche à sa fin (enfin !) quand arrive Michael Bublé pour un ultime duo avec
Quentin sur "Me and Mrs. Jones" de Billy Paul. Quentin étant peu à l'aise dans la langue de Shakespeare, je m'attends à une dernière déception et je me dis que j'ai gâché presque trois heures de ma vie à regarder le spectacle de ce soir. Même l'accoutrement de Quentin ne m'amuse pas : outre ses sempiternelles chaussures de couleurs différentes (supposées exprimer la dualité de sa personnalité...), il porte une chemise blanche à col noir et une cravate, le tout sous un pull couvert d'étoiles argentées. Un chapeau complète cette abomination vestimentaire. Voilà pour l'image.
Heureusement, il y a aussi le son. Et là, Quentin est juste impressionnant. Il bénéficie certes d'un découpage du texte très favorable, Michael Bublé se contentant de la portion congrue. Mais, même sur les parties les plus difficiles de la chanson, il assure. À aucun moment, il ne semble en difficulté. Cette fois-là, en dehors de la mise en scène endemolienne, il a vraiment "pris le pouvoir". Jury et professeurs rendent un hommage unanime mais superflu. La soirée est sauvée.
Et les nominés dans tout ça ?
Les trois malheureux nominés devaient tous interpréter une chanson de Florent Pagny. Ils sont fidèles à eux-mêmes.
Sevan insère un rap lourdaud dans "Ma liberté de penser",
Mathieu ajoute des vibes à "Chanter" et
Eva est jolie et souriante sur "Bienvenue chez moi". Originalité du jour : les prestations sont précédées d'un petit reportage d'encouragement enregistré pour chaque élève. Par la soeur de Sevan, par la famille de Mathieu et par... Noémie, la meilleure amie d'Eva au château. Le reportage de Sevan est l'occasion de le voir avec des cheveux. On comprend mieux pourquoi il s'est rasé la tête : chanter comme Eminem quand on ressemble autant à Patrick Timsit, c'est juste pas possible. Seconde originalité : les nominés ont vingt secondes à la fin de l'émission pour haranguer les foules votantes. Sevan, le rebelle du début de la semaine qui refusait de chanter, remercie chaudement les professeurs, le jury, les musiciens, les danseurs, les techniciens et tous ceux qui le soutiennent. Pathétique.
C'est encore Mathieu qui est sauvé par le public avec 48 % des suffrages (contre 37,5 % à Sevan et 14,5 % à Eva). Et sans surprise, le jury choisit Sevan. Eva quitte donc le monde cruel de la Starac.
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